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12e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF - Discours de clôture de Robert Ophèle, Président de l'AMF - Vendredi 4 octobre 2019

12e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF - Discours de clôture de Robert Ophèle, Président de l'AMF - Vendredi 4 octobre 2019

Seul le prononcé fait foi

En clôture de ce colloque je voudrais partager avec vous une satisfaction et deux sujets de préoccupation.

La satisfaction c’est l’audience grandissante des décisions de la Commission des sanctions. Depuis le début de l’année, un communiqué de presse en français et en anglais est publié pour chaque décision ce qui a vocation à donner une meilleure visibilité à ces décisions qui, de ce fait, remplissent mieux leur vocation pédagogique et contribuent à une meilleure reconnaissance à l’étranger de notre action répressive. Je crois pouvoir dire que c’est un succès. A titre d’exemple, la décision Natixis a déjà été téléchargée plus de 2000 fois ; des affaires moins médiatisées tournent autour de 1000 chargement dans la semaine qui suit leur publication. Nul doute que la refonte en cours de notre site Internet améliorera encore l’impact de ces décisions.

Nous donnons donc une bonne visibilité à nos décisions et à notre jurisprudence, visibilité à laquelle concourt également grandement ce colloque annuel et notre ouvrage, régulièrement actualisé, sur les principes directeurs issus de la jurisprudence. Mais alors que la base de nos sanctions est de plus en plus des textes européens, si on souhaite analyser comment le non-respect de ces réglementations européennes est poursuivi en Europe, on est particulièrement démuni comme l’a évoqué Gérard Rameix dans son intervention. L’AEMF tient certes un registre des sanctions prononcées sur la base de réglementations européennes par les diverses autorités nationales. Mais ce registre est, je dois le dire, inutilisable en l’état :

  • Le fait qu’il ne recense que les sanctions prononcées sur la base de textes européens est logique et, compte tenu des délais entre la date des faits poursuivis et celle de la sanction, de nombreuses décisions actuelles sont encore prises sur la base de textes nationaux …. De ce point de vue la pertinence du registre ESMA va donc s’améliorer progressivement.
  • Mais il ne recense que les décisions prises par les autorités membres du Conseil de l’AEMF or dans plusieurs pays majeurs – l’Allemagne par exemple – l’autorité qui sanctionne n’est pas l’autorité de supervision ; aucune décision n’est donc transmise ; de même, lorsque l’aiguillage français oriente vers le pénal, rien ne serait transmis à l’AEMF.

Ainsi, à fin septembre ce registre recense 90 décisions pour 2019 prises dans 10 pays (sur les 28 pays que compte l’Union) ; 85 décisions au titre de MIFID, 4 au titre de UCITS et 1 au titre de MAD. 57 des 90 déclarations viennent de 2 pays, la Belgique et l’Italie. La France pour sa part a déclaré sur ce registre 4 des 14 décisions prises par la Commission des sanctions et aucune composition administrative.

Au demeurant, le registre recense l’existence d’une sanction mais pas la sanction elle-même.

Or, une Union des marchés de capitaux, ou une Union d’épargne et d’investissement pour reprendre la terminologie préconisée par notre Ministre, doit, en matière réglementaire, s’appuyer sur une construction à trois étages :

  • Le premier étage est naturellement un corpus unique de réglementation financière ; nous n’y sommes pas encore totalement compte tenu des divergences dans les transpositions de directives et des options nationales prévues dans les règlements.
  • Le second étage consiste en une mise en œuvre convergente de ce corpus dans les différents pays de l’Union ; c’est ce à quoi s’attache désormais l’AEMF, la convergence de la supervision constituant désormais un de ses objectifs majeurs conformément à l’accent mis sur ce sujet par les co-législateurs dans le cadre de la révision des textes fondateurs des autorités européennes de supervision. Il y avait un choix à faire entre le transfert à l’ESMA de pouvoirs de supervisions directes et le renforcement de la convergence entre autorités nationales, c’est cette seconde voie qui a été retenue.
  • Mais il y a également un troisième étage qui est celui d’une répression homogène. On voit bien en effet le caractère inacceptable qu’aurait, dans un espace de liberté de prestation de services, une approche répressive trop hétérogène. Or cette cohérence de l’approche répressive européenne n’existe pas ; ce troisième étage reste à construire. La première étape serait de dresser un panorama documenté de la situation ; la montée en puissance des textes européens doit permettre de le faire ; c’est un objectif que nous devons nous fixer collectivement, avec nos homologues de l’Union.

C’était donc mon premier sujet de préoccupation, l’absence d’approche européenne de la filière répressive.


Mon second sujet de préoccupation concerne la durée de nos procédures, en France. Elles sont à l’évidence trop longues et la récente mission de l’Assemble Nationale sur l’activisme actionnarial, l’a très justement relevé.

Pour les contrôles qui donnent lieu à transmission à la Commission des sanctions, on compte environ 30 mois (2 ans et demi) entre le lancement du contrôle et, lorsqu’il y a griefs, la décision de la Commission ; pour les enquêtes, ce délai moyen est de 45 mois, presque 4 ans. Il y a bien des raisons pour justifier de telles durées : la complexité de certains dossiers, les délais induits par les demandes de coopération avec nos homologues étrangers, les temps propres et peu compressibles de la procédure (les observations en réponse à la lettre circonstanciée ou au rapport de contrôle, la procédure d’aiguillage, les traductions éventuelles). Mais au-delà de ces raisons objectives, je pense que nous avons des marges de progrès et mon ambition serait de gagner 6 mois en moyenne sur les délais que je viens d’évoquer. Peut-on viser une durée moyenne des enquêtes qui ne dépasserait pas 18 mois, une durée moyenne des contrôles qui ne dépasserait pas 6 mois ? Une fois les observations des parties en cause recueillies, le Collège devrait pouvoir statuer sous 3 mois, les éventuels griefs notifiés sous 1 mois et la Commission des sanctions statuer, hors procédure d’aiguillage, sous 12 mois. Au total cela nous ferait gagner 6 mois tant sur les enquêtes que sur les contrôles.

S’agissant des dossiers qui font l’objet d’une composition administrative et qui sont généralement plus simples avec une procédure également plus rapide ; au total, contrôle ou enquête on est sur une durée totale qui est légèrement actuellement supérieure à deux ans. Il nous faudrait viser 18 mois.

Ceci n’est nullement un engagement de résultat que je prends ce matin, mais un axe sur lequel nous allons travailler.

La mission de l’Assemble Nationale sur l’activisme actionnarial, nous invite par ailleurs à réfléchir à une procédure de référé qui dans des cas avérés d’urgence permettrait de clarifier rapidement le statut de certaines stratégies. Réfléchissons-y, et réfléchissons-y collectivement car, en tout état de cause, l’accélération du processus actuel doit être un de nos objectifs majeurs pour rapprocher le temps du superviseur du temps du marché.

Je vous remercie de votre attention.