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Successions : un délai anormal d’exécution peut s'avérer parfois profitable

Successions : un délai anormal d’exécution peut s'avérer parfois profitable

Comme évoqué dans un précédent dossier de mars 2020, lorsque le titulaire d’un PEA décède, l’établissement doit immédiatement clôturer le PEA du défunt et transférer les titres qui y étaient logés sur un compte-titres succession, dans l’attente des instructions des héritiers. Ces derniers peuvent choisir de conserver les titres ou bien préférer les vendre. Or, dans le cas où les héritiers décident de vendre les titres, les délais de traitement de leurs instructions sont fréquemment l’objet de litige, eu égard aux écarts de valorisation susceptibles d’en résulter. Toutefois, ainsi que l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, un long délai de traitement, bien qu’anormal, peut s’avérer profitable aux héritiers.

Les faits

Début septembre 2020, Madame A intervenant en qualité d’héritière de son défunt père, Monsieur A, a demandé par courrier accompagné de l’acte de décès et des coordonnées du notaire en charge de la succession, la vente des titres détenus dans le PEA de son père, ouvert dans les livres de l’établissement X.

Sa demande étant restée sans suite, Madame A a fait parvenir une lettre de réclamation auprès de l’établissement X afin de pouvoir récupérer les fonds issus de la vente des titres.

Le notaire concerné a également, à son tour, envoyé plusieurs recommandés et échangé un nombre important d’e-mails avec l’établissement X, qui lui a réclamé certains documents pourtant déjà dûment fournis.

Ce n’est que le 26 juillet 2021 que l’établissement X a informé Madame A de ce que les titres étaient en cours de vente puis, après une relance en septembre, que le PEA était en cours de clôture.

Toutefois, le virement, émis le 18 novembre 2021, mentionné dans la réponse de l’établissement X, ne l’a pas été auprès du notaire en charge de la succession, mais, par erreur, auprès d’un autre office notarial qui l’a rejeté.

Or, la demande d’obtempérer du notaire en charge de la succession auprès de l’établissement X est restée sans réponse.

Fin décembre 2021, Madame A a alors sollicité mon intervention afin que soit effectué le transfert des fonds issus de la vente vers l’office notarial en charge de la succession de Monsieur A.

L’instruction

Dans le cadre de l’instruction de ce dossier, je me suis d’abord rapprochée de l’établissement mis en cause afin qu’il me fasse part de ses observations.

Toutefois, préalablement à la réception des observations de cet établissement, Madame A m’a informée, par un e-mail du 7 février 2022, de ce que les fonds issus de la vente venaient d’être versés sur le compte de l’office du notaire en charge de la succession de Monsieur A.

Par la suite, l’établissement est revenu vers moi. En premier lieu, ce dernier m’a adressé le relevé de compte à la date du décès de Monsieur A en septembre 2020. Ce relevé de compte faisait état de la détention de 117 actions valorisées à 3.676,14€ et d’un solde espèces de 41.322,32€. Cet établissement relève que les actions ont été vendues en juillet 2021 à 5.731,24€, somme qui est venue s’ajouter au solde espèces.

En second lieu, cet établissement m’a confirmé avoir versé à Madame A un montant total de 46.615,59€.

La recommandation

Après avoir relevé que Madame A n’a jamais fait valoir qu’elle avait eu besoin d’employer ces liquidités durant toute la durée de traitement de sa demande, j’ai observé que, bien que les instructions notariées aient été exécutées tardivement, la ligne de titres de 3.673,14 euros s’était valorisée de plus de 2.000€ au cours de la période concernée.

J’ai donc considéré que ce dossier avait connu une issue favorable à la suite de mon intervention puisque, conformément à la volonté de Madame A d’obtenir le transfert des fonds issus de la vente, sa demande avait été satisfaite.

J’ai néanmoins tenu à indiquer dans mon avis que le délai observé, qualifié par l’établissement lui-même « d’anormalement long », près d’un an pour une succession sans complexité, m’apparaissait, en soi, particulièrement regrettable tout en retenant qu’aucun préjudice financier n’était à déplorer.

La leçon à tirer

Tout d’abord, il convient de rappeler un principe fondamental en médiation : la mission du médiateur consiste d’abord et avant tout dans la réparation d’un préjudice. En conséquence, un dysfonctionnement seul, sans préjudice, ne justifie pas une proposition d’indemnisation. S’il ne s’agit pas d’une erreur humaine, je peux inciter le professionnel à améliorer ses procédures, il arrive d’ailleurs que le professionnel prenne l’initiative de me l’indiquer.

De manière générale, la réparation d’un préjudice suppose, conformément à l’article 1240 du Code civil, la réunion de trois conditions cumulatives : une faute, un préjudice et un lien de causalité. Si la faute de l’établissement peut éventuellement être relevée on peut, à juste titre, s’interroger sur l’existence d’un préjudice en cas de délai anormalement long dans l’exécution des instructions de vente des héritiers d’un portefeuille de titres. Rappelons également qu’il appartient au demandeur de justifier de l’existence et du montant du préjudice qu’il invoque.

 Dans un tel cas, deux types de préjudices peuvent éventuellement être retenus :

  • un préjudice résultant d’un différentiel de valorisation entre la date de la demande et la date de vente des titres peut faire l’objet d’une réparation. Toutefois, lorsqu’un transfert anormalement long conduit à constater, sur la période considérée, une progression du cours des titres concernés, le préjudice financier ne peut être indemnisé, faute d’exister.
  • il peut aussi être retenu une indemnisation sur le fondement de la perte de chance de disposer du produit de la vente dans un délai raisonnable. La perte de chance se définit comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Néanmoins, l’existence d’une telle perte de chance suppose, pour le demandeur, d’apporter des preuves témoignant, dans ce cas précis du besoin ou de la nécessité de réemployer les liquidités lui revenant. En tout état de cause, le demandeur se doit de démontrer l’existence d’une telle perte de chance dans sa demande, auquel cas celle-ci ne pourra être ni constatée, ni réparée.

Enfin, j’ajoute que si l’exécution des instructions de vente des héritiers d’un portefeuille de titres peut justifier un certain délai compte tenu des vérifications qui incombent au teneur de compte, ce dernier est néanmoins tenu de traiter de telles demandes avec diligence et célérité.