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Discours - Audition de Robert Ophèle, président de l'AMF, par la Commission des finances du Sénat - Mercredi 10 mars 2021

Discours - Audition de Robert Ophèle, président de l'AMF, par la Commission des finances du Sénat - Mercredi 10 mars 2021

Seul le prononcé fait foi

L’année 2020 aura été une année de grande tension pour l’AMF comme pour l’ensemble de nos concitoyens. La crise sanitaire a profondément affecté le tissu économique et, ce faisant, les marchés financiers, mobilisant les équipes de l’AMF pour réagir dans l’urgence à de nombreuses situations inédites appelant souvent une intense concertation internationale et conduisant l’AMF à mobiliser pour la première fois certains de ses pouvoirs : celui concernant les ventes à découvert avec l’interdiction de constitution de nouvelles positions courtes nettes du 17 mars au 18 mai et celui concernant la suspension de fonds lorsque la suspension des souscriptions et rachats a été imposée à certains fonds H2O fin août.

Ces situations inédites, et dans certains cas de crise, ont mis en évidence la nécessité de revisiter en profondeur plusieurs sujets qui, selon les cas, relèvent des autorités françaises ou européennes. J’en ai identifié cinq que j’évoquerai brièvement avant qu’on y revienne plus en détail en fonction de vos questions. Ce que nous avons vécu depuis mars 2020 doit en particulier nous conduire à :

  • mieux accompagner la montée en puissance des actionnaires individuels,
  • assurer un meilleur fonctionnement des mécanismes de marché dans un cadre transparent et avec une gouvernance adaptée,
  • mieux structurer le développement de la finance durable,
  • adapter le cadre réglementaire et de supervision de la gestion d’actifs afin de mieux maîtriser les risques associés,
  • développer la souveraineté financière de l’Union européenne après la sortie du Royaume-Uni tout en confortant la place de la France dans cette dynamique.

La montée en puissance des actionnaires individuels en 2020 est un phénomène observé dans de nombreux pays, y compris en France. En France, la privatisation de La Française des Jeux fin 2019 avait constitué une étape décisive dans ce retour des particuliers vers la bourse, mais 2020 a vu un afflux de nouveaux investisseurs plus jeunes et plus actifs et on a ainsi enregistré environ 60 millions de transactions boursières de particuliers en 2020 contre 25 millions les années précédentes. L’AMF publie désormais un tableau de bord trimestriel des investisseurs particuliers actifs en bourse pour suivre ce phénomène.

Il faut se réjouir de cette évolution qui permet de créer un lien plus direct entre nos concitoyens et le développement de nos entreprises mais il faut s’assurer que cette évolution s’inscrit bien dans une perspective de long terme, ne se traduit pas par des prises de risques excessives et contribue au bon fonctionnement du marché. Dans cette perspective il faut savoir refuser les instruments à fort effet de levier et ne pas céder la magie du zéro commission. Il faut également renforcer la qualité des conseils donnés aux clients lorsqu’on se place dans ce contexte. Les progrès qui restent à accomplir seront illustrés par la publication en fin de semaine de la synthèse de nos contrôles courts, dits SPOT, sur le thème de l’adéquation des instruments financiers recommandés à la situation particulière des clients : connaissance du client, évaluation de ses connaissances, de sa situation financière et de ses capacités à subir des pertes, de ses objectifs d’investissement et de son appétence pour le risque. Il faut également conforter la confiance dans le bon fonctionnement des mécanismes de marché.

La question de l’encadrement du libre jeu des offres et des demandes sur le marché financier est ainsi devenue une question particulièrement sensible. Entre des offres amicales interdites pour de légitimes raisons de souveraineté, la tentation de rendre impossible les offres hostiles ou de limiter les capacités d’action des fonds dits activistes, et les restrictions apportées aux ventes à découvert et aux distributions de dividendes, certains se sont interrogés sur l’ampleur des limitations apportées au fonctionnement des marchés. Défendre l’intégrité du marché est au cœur des priorités de l’AMF. Cela se traduit en particulier par l’accent mis sur une exigence de transparence, qui permet de prévenir les abus de marché, et sur le développement du dialogue actionnarial qui peut permettre d’éviter les conflits inutiles. L’AMF a d’ailleurs fait des propositions en ce sens et a adapté sa doctrine (cela fera l’objet d’une communication dans les tous prochains jours). Il importe cependant d’être conscient des menaces qui s’accumulent sur l’action de l’AMF en matière d’abus de marché. J’ai notamment en tête le possible arrêt, suite aux décisions de la CJUE, de la conservation des données de connexion si précieuses dans les cas de délits d’initiés. J’ai également en tête la contestation désormais presque systématique des actes de procédure et des décisions de la Commission des sanctions, qui mobilise de plus en plus significativement les équipes de l’AMF, retarde les enquêtes et allonge les délais pour disposer d’une jurisprudence définitive.

Les contraintes sanitaires ont conduit la plupart des entreprises à organiser leurs assemblées générales 2020 à huis-clos, ce qui a rendu nécessaire d’améliorer les modalités de la participation à distance des actionnaires à ces moments phares de l’exercice de leurs droits. Si la capacité de suivre à distance et en temps réel le déroulement des assemblées générales semble désormais bien assurée, il n’en n’est pas de même pour la capacité à y participer activement en temps réel. La question de l’exercice du droit de vote à distance est en particulier à la fois essentielle mais complexe d’un point de vue opérationnel car celui-ci doit être exercé dans un cadre sécurisé. Cela conduira à revisiter la problématique de la « record date » (date à laquelle on gèle l’actionnariat et les droits de vote associés) qui doit être la plus proche possible de l’assemblée générale mais suffisamment éloignée pour assurer de façon sécurisée la gestion opérationnelle du processus. Nous pensons que des progrès décisifs peuvent être obtenus dans ce domaine pour les assemblées générales qui se tiendront en 2022.

2020 a été une année décisive pour progresser en direction d’une finance plus durable, tant au niveau français, européen, qu’international. La contribution de l’AMF à cette évolution, qui sera détaillée dans le rapport annuel, a été très significative. Nous avons posé les premiers éléments de doctrine en matière de commercialisation des produits de gestion collective intégrant des approches financières afin de couper court à la tendance au verdissement de façade des produits financiers. Nous avons contribué à la réflexion européenne, notamment avec des propositions d’encadrement de la fourniture de notations et de données extra-financières. Nous avons posé les jalons d’une certification AMF des connaissances en matière de finance durable. Nous avons analysé le reporting des 10 acteurs financiers français mettant en œuvre les recommandations de la TCFD et établi avec l’ACPR un premier rapport sur le suivi et l’évaluation des engagements pris par les institutions financières françaises en matière de climat et publié notre troisième rapport sur les approches extra-financières dans la gestion collective. Alors que l’Europe avance rapidement pour soutenir et encadrer ces évolutions, la demande s’est accélérée en faveur de standards mondiaux qui pourraient servir de références communes pour l’information rendue publique par les émetteurs. La proposition faite par la Fondation IFRS d’établir ce référentiel commun a attiré un large soutien et il n’est pas exclu que les Etats-Unis y adhèrent, contrairement à la posture qu’ils ont retenue pour les normes comptables établies par l’IASB. Il reste que cette attraction légitime des standards mondiaux ne doit ni retarder ni affadir les ambitions européennes.

L’année 2020 a également été une année très agitée pour la gestion d’actifs, et en particulier pour les fonds ouverts, avec la matérialisation des risques de liquidité et/ou de valorisation. S’agissant des fonds français sous la responsabilité de l’AMF, nous avons dû être plus particulièrement attentifs aux vastes retraits intervenus sur les fonds monétaires en mars, et sur les difficultés de valorisation de certains actifs non cotés qui ont conduit à la suspension de certains fonds d’épargne salariale et surtout à la suspension des fonds H2O qui a débouché pour la première fois sur une scission de fonds avec une partie ré-ouverte aux entrées-sorties constituée par les actifs liquides et dont la valorisation ne pose pas de problèmes et une partie cantonnant les actifs illiquides à valorisation incertaine qui est mise en liquidation (side-pocket). A l’étranger, on a également constaté des tensions sur les fonds monétaires, les fonds obligataires corporate et les fonds immobiliers. Ces tensions ont déclenché une intense réflexion, tant en Europe qu’au niveau international (FSB et IOSCO) sur l’adéquation des cadres réglementaires et la possible mobilisation d’outils macro-prudentiels. L’AMF y participe activement car il s’agit là d’un enjeu essentiel pour assurer le financement de nos économies sans mettre en danger la stabilité financière. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’il y a en ce domaine des divergences d’analyses significatives entre autorités.

L’Union européenne n’a pas encore vraiment finalisé sa politique visant à développer dans l’Union une industrie financière autonome à même de couvrir les besoins de financement de ses économies et à assurer une intermédiation efficace entre apporteurs et demandeurs de capitaux. Alors que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union depuis quatre ans et demi, l’Union des marchés de capitaux est encore largement à l’état de projet avec une mosaïque d’approches nationales qui soit fragmentent la zone, soit établissent une compétition malsaine lorsqu’il y a complète liberté de prestation de services. Si on doit considérer que de grands progrès ont été accomplis pour assurer la localisation dans l’Union de nombreuses opérations financières – comme l’illustre la relocalisation dans l’Union de l’essentiel des transactions sur actions européennes – force est de reconnaître que cela n’a pas favorisé la compétitivité de l’industrie financière européenne. Il reste encore beaucoup à faire pour faire émerger un marché financier européen efficace et des acteurs européens de dimension internationale dans le domaine financier.

Je ne peux clôturer cette introduction sans évoquer la faiblesse des moyens dont dispose l’AMF et qui a été un peu cruellement mise en évidence dans cette période de crise qui a vu un alourdissement très net des échanges internationaux y compris avec un effort désormais structurel de renforcement de la convergence de la supervision européenne. Malgré les confortements qui nous ont été accordés ces dernières années, nos moyens financiers trop faibles (et nous allons une nouvelle fois clôturer l’exercice en pertes malgré les moindres dépenses liées à la crise sanitaire) se traduisent par des équipes beaucoup moins nombreuses que celles de nos homologues. Cela conduit inexorablement à réduire notre participation aux groupes internationaux et à limiter notre soutien à la présidence française de l’Union qui interviendra en 2022. Notre influence faiblit alors que les enjeux sont considérables et que les décisions les plus structurantes se prennent au niveau européen. J’appelle donc à un sursaut dans ce domaine.

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